La solitude tue

20 août 2017 Thierry 0 Comments

Une récente étude américaine vient de démontrer ce que beaucoup d’entre nous, instinctivement, savent déjà : on meurt plus vite lorsqu’on est seul. Le Professeur vaudois Jean-Pierre Fragnière le dit depuis longtemps. Entendons par là que l’isolement social est un facteur de dégradation des conditions de vie très important et qu’il nous faut aujourd’hui rapidement prendre compte cette donnée, notamment en regard du vieillissement programmé de la population.

Un phénomène à ne surtout pas sous-estimer

L’évolution de nos sociétés occidentales, par l’accentuation de l’individualisme et de la compétition, a progressivement distendu les liens sociaux qui forgeaient autrefois les bases de nos relations communautaires et sociales. Maladie psychiques, atomisation des liens de voisinage, processus d’exclusion en tous genre (et notamment du marché du travail), sont autant de facteurs qui viennent aggraver ce phénomène.

Chacun pour soi, volontairement ou non, voilà ce qu’est petit à petit devenue notre norme éthique. Avec des conséquences dramatiques. Et des coûts – humains autant que financiers – énormes pour nos sociétés. S’isoler, donc, conduit à mourir plus vite. Avec une population qui vieillit à une vitesse exceptionnelle, il est temps de repenser nos politiques publiques. Urgemment.

Ce n’est que le début…

D’ici 2050, en Suisse, la population âgée de plus de 80 ans aura doublé. Grand âge rimant souvent avec fragilité, il est fort à parier que les pouvoirs publics devront massivement investir dans l’aide et le soutien aux seniors. Tout doit – dès aujourd’hui – être repensé : aménagement, social, santé, transports, constructions immobilières.

Nos sociétés vont vivre une révolution sociodémographique comme elles n’en ont encore jamais connu au fil des siècles. Et dans un temps relativement court. Il est donc temps de repenser le sens que nous donnons aux relations humaines et à l’inclusion sociale. Ou nous ne pourrons pas faire face longtemps à ce problème.

Remettre du lien, du sens et de l’envie

Plusieurs pistes s’offrent à nous. A commencer, peut-être, par la restauration des solidarités de proximité. Fêtes de quartiers, réseaux de bénévoles, fête des voisins, sont autant d’occasion qu’il nous faut développer pour aller à la rencontre des autres, de celles et ceux qui nous entourent, et avec lesquels nous partageons notre environnement quotidien. Il s’agit ici de restaurer les liens civils et citoyens les plus élémentaires, qui ont tendance à disparaître. Mais la bonne volonté ne suffira peut-être pas à endiguer le phénomène de l’isolement.

Les pouvoirs publics doivent aussi jouer le rôle de facilitateurs et de canalisateurs des solidarités de proximité.

En ceci, particulièrement auprès des seniors, il s’agit de repenser nos modes d’intervention. Actuellement, force est de constater que la plupart de celles-ci concernent le domaine spécifique de la santé, qui est évidemment le plus préoccupant. Mais ça n’est pas suffisant, loin s’en faut. Les gens ont besoin de contacts tout autant qu’ils ont besoin de soins. C’est le sens des résultats de l’étude que nous avons mentionnée en introduction.

Il ne faut plus seulement s’occuper des gens et de leurs conditions d’existence matérielles, il faut commencer à repenser le soutien moral, psychologique et tout simplement humain. Il faut recréer du lien social en consacrant du temps, de l’énergie et donc des moyens à la préservation des relations humaines.

Aujourd’hui malheureusement, sous la pression – indéniable – des coûts, ces simples présences humaines, ces interactions si riches de sens, ont tendance à disparaître : les visites médicales à domicile sont minutées, les facteurs ne sonnent plus aux portes, les offices postaux disparaissent, les commerces de proximité sont avalés par les grandes surfaces et la concurrence d’internet. Tout va dans le sens d’une disparition progressive des possibilités de rencontrer les autres. Même un peu, même pour quelques instants, même pour échanger ces petites banalités qui n’ont parfois l’air de rien, mais qui pour certains constituent souvent le seul contact humain d’une journée.

L’inaction nous coûtera très cher

Nos seniors vont être de plus en plus nombreux. L’isolement guette. Les coûts seront énormes. Et si je suis conscient que, comme pour toute politique sociale, la prise en compte de ce risque nécessitera des moyens conséquents, je sais aussi que de ne rien faire nous coûtera au final, comme toujours, beaucoup plus cher.

J’ai souvent tendance à dire que notre cohésion sociale a un prix. Un prix qu’il nous faudra de toute manière payer un jour ou l’autre, bon gré mal gré. A nous d’être inventifs et d’anticiper les problèmes avant que ce prix ne devienne réellement exorbitant. L’isolement des seniors risque de nous coûter une fortune.

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