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Genève: pour une vraie politique d’intégration des étrangers

28 août 2012 Thierry 0 Comments

En décembre 2011, le DSPE décidait d’élever le niveau de français exigé pour devenir suisse en modifiant le règlement d’application de la loi sur la nationalité genevoise (A 4 05.01) indiquant désormais que : « le candidat étranger présente la requête signée en naturalisation suisse et genevoise, qui doit obligatoirement être accompagnée des premiers documents suivants (…) une attestation de connaissance orale de la langue nationale en principe celle parlée au lieu de domicile, correspondant au niveau B1 (intermédiaire) du Cadre européen commun de référence pour les langues (…).

Cette toute nouvelle disposition signifie que, aujourd’hui, pour être naturalisé, il ne suffit plus d’avoir un niveau de français « intermédiaire » (A2) mais qu’il va falloir posséder un niveau « avancé » (B2). Même l’office cantonal de l’emploi (OCE) ne va pas aussi loin, considérant à juste titre qu’un niveau de connaissance suffisant pour pouvoir être autonome, trouver du travail ou entreprendre une formation constitue la norme. Le Département de Madame Isabel Rochat fait encore des siennes, avec cette méconnaissance de la réalité de la migration en Suisse et à Genève. Même les spécialistes de la question estiment qu’un tel durcissement ne se justifie pas.

Heureusement, la presse s’est fait l’écho de cette modification passée inaperçue dans la Feuille d’avis officielle du 14 décembre 2011. Aucune concertation des associations concernées. Aucune information aux communes genevoises pourtant concernées au premier chef. Aucune audition des associations de migrants, des spécialistes de l’immigration, des personnes et organisations concernées. Voilà encore un pur produit technocratique complètement déconnecté des réalités du terrain.

Cette décision inique montre à quel point il manque à Genève une véritable politique d’intégration. L’histoire avait pourtant bien débutée : Genève s’est dotée, à l’instar d’autres cantons suisses, d’un bureau de l’intégration des étrangers (BIE), assorti d’une loi ambitieuse. Les associations impliquées se sont mobilisées et participent au Conseil de l’intégration. Pour la petite histoire, le BIE a organisé rapidement des Assises annuelles de l’intégration,  mobilisant associations, communes et habitantes et habitants. Aucun suivi des propositions n’était malheureusement prévu par le politique et les Assises tombèrent à l’eau.
Il s’ensuivra alors une multitude d’études commandées pour nourrir les réflexions du département de tutelle. L’une d’entre elle (réalisée avec brio et minutie par Ismaël TURKER et ses collègues) proposait un vaste panorama de l’ensemble des mesures et des actions ambitieuses réalisées à Genève par les acteurs de terrain. Quelle suite a-t-on donné à ce rapport ? Aucune ! Le DSPE joue volontiers la carte de la bienséance lorsqu’il s’agit d’intégration, en rabattant les grands poncifs éculés sur la nécessité du vivre-ensemble, mais lorsqu’il s’agit de prendre des décisions politiques, alors là, c’est la frilosité politique qui prime… Ou bien alors, on enclenche la marche arrière, comme le prouve cette incompréhensible modification de la législation sur l’acquisition de la nationalité.

Le constat est toujours là et amer : Genève n’a toujours pas de politique cantonale pour l’intégration des étrangers. Ce manque de clairvoyance laisse ce domaine si sensible aux seuls mouvements populistes. Il manque à Genève une véritable volonté de placer l’intégration au cœur des tâches de l’Etat. Avant d’élever le niveau de français exigé pour la naturalisation, le Canton ne devrait-il pas plutôt se donner les moyens d’une telle politique ? Je l’affirme : une politique affirmée, dynamique, valorisante, qui reconnaît que les étrangers sont aussi une richesse, qu’elle est un formidable outil de cohésion sociale, est possible à Genève, encore faut-il le décider.

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