GENÈVE • Le Secrétariat d’Etat à l’économie profite de la baisse cantonale du taux de chômage pour diminuer l’aide allouée à l’insertion professionnelle. Or le nombre de personnes à l’assistance augmente.
La Confédération s’apprête à couper dans les aides financières aux associations d’insertion professionnelle. Sur son blog jeudi dernier, Thierry Apothéloz, conseiller administratif de Vernier, tirait la sonnette d’alarme et indiquait dans une lettre ouverte à Isabel Rochat que cette coupe budgétaire se basait sur les dernières statistiques du chômage à Genève, maintenues artificiellement bonnes. Cela grâce à la mise en place en 2011 de la Loi sur l’assurance-chômage (LACI), qui a drastiquement réduit les droits des chômeurs et en a fait basculer bon nombre à l’aide sociale.
Budget diminué de 4,5 millions
La constatation jure avec le bilan de l’Office cantonal de l’emploi (OCE), qui se veut plutôt encourageant. Voilà plusieurs mois consécutifs qu’il constate une baisse du chômage dans le canton: le taux, si l’on en croit le site de l’OCE, est passé de 6,5% début 2011 à 4,7% au mois de juillet dernier. A noter qu’à cette période la Suisse avait un niveau de chômage de 2,7%. Cette statistique a eu un impact direct au niveau du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) puisque l’enveloppe allouée annuellement au canton pour aider les associations de réinsertion professionnelle suit la même courbe descendante.
Thierry Apothéloz parlait, dans sa lettre ouverte, de 5 millions de francs en moins. Vérification faite auprès des autorités, la baisse sera de l’ordre de 4,5 millions, sachant que le budget était déjà passé d’environ 48 millions à 43 millions entre 2011 et 2012. Au Département de la solidarité et de l’emploi (DSE), dirigé par Isabel Rochat, on estime «normal» que le montant de l’enveloppe pour la réinsertion s’aligne sur la courbe du chômage. Selon Laurent Paoliello, responsable de la communication au DSE, la diminution de la subvention fédérale serait «conforme aux résultats du canton» et n’aurait d’ailleurs pas suivi le cours réel du chômage, «permettant d’avoir proportionnellement plus de subventions par chômeur».
L’ennui, c’est que, du côté de l’Hospice général, on annonce une hausse des dossiers de 32% en trois ans. «Cette augmentation est générée pour plus d’un tiers par les effets induits par la dernière révision de la LACI, entrée en vigueur le 1er avril 2011», explique le rapport d’activité 2011 de l’institution.
Y aurait-il une corrélation entre les 2000 aspirants supplémentaires à l’aide sociale pour 2011 et les 2632 chômeurs en moins à Genève pour la même période? Laurent Paoliello le réfute. «Depuis dix ans, nous n’avons jamais eu de taux si bas et il est totalement faux de dire que nous avons artificiellement baissé le chiffre et simplement retiré ces personnes du chômage pour les mettre à l’assurance sociale.» L’Hospice général, quant à lui, joue les équilibristes, confirmant que «la LACI a clairement eu un impact sur les demandes», mais avertissant qu’«il faut veiller à ne pas faire de conclusions
hâtives».
Ces tergiversations ne sont pas du goût de Thierry Apothéloz, qui s’étonne de ce qu’on songe à diminuer ces aides et souhaiterait, au contraire, les augmenter. «Chaque franc investi dans la réinsertion professionnelle évitera d’en débourser dix plus loin», affirme-t-il. Et de demander à ce qu’Isabel Rochat assume la baisse de 4,5 millions dans son budget tant que le chômage à Genève sera aussi élevé par rapport à la moyenne suisse.
Associations en état d’alerte
Du côté des associations concernées, l’inquiétude se fait sentir face à la pression économique à laquelle le marché de l’emploi est soumis. Christophe Dunand, directeur de l’entreprise d’insertion professionnelle Réalise, espère que les demandeurs d’emploi se retrouvant à l’aide sociale pourront bénéficier rapidement des prestations d’insertion prévue par la nouvelle Loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle (LIASI). «Thierry Apothéloz fait bien d’alerter l’opinion publique sur ce sujet. Nous avions entendu parler de ces coupes au printemps. Maintenant, il reste à savoir comment va s’organiser la redistribution de l’enveloppe et sur quelles bases. Le plus important, c’est qu’on ne boucle pas des programmes d’insertion dans les prochains mois pour se rendre compte dans quelque temps qu’on en avait en fait toujours besoin. La mise en place de mesures d’insertion de qualité prend du temps.»
Sur le fond, tous les intervenants s’accordent à dire que le chômage est le principal ennemi. «Notre but à tous est de remettre les gens dans l’économie à tout prix», affirme Laurent Paoliello. Même écho du côté de l’Hospice général, de Réalise ou de Thierry Apothéloz. Reste à donner aux organes d’aide aux chômeurs les moyens de parvenir à cette fin. I
Berne coupe dans les aides à la réinsertion professionnelle
GENÈVE • Le Secrétariat d’Etat à l’économie profite de la baisse cantonale du taux de chômage pour diminuer l’aide allouée à l’insertion professionnelle. Or le nombre de personnes à l’assistance augmente.
La Confédération s’apprête à couper dans les aides financières aux associations d’insertion professionnelle. Sur son blog jeudi dernier, Thierry Apothéloz, conseiller administratif de Vernier, tirait la sonnette d’alarme et indiquait dans une lettre ouverte à Isabel Rochat que cette coupe budgétaire se basait sur les dernières statistiques du chômage à Genève, maintenues artificiellement bonnes. Cela grâce à la mise en place en 2011 de la Loi sur l’assurance-chômage (LACI), qui a drastiquement réduit les droits des chômeurs et en a fait basculer bon nombre à l’aide sociale.
Budget diminué de 4,5 millions
La constatation jure avec le bilan de l’Office cantonal de l’emploi (OCE), qui se veut plutôt encourageant. Voilà plusieurs mois consécutifs qu’il constate une baisse du chômage dans le canton: le taux, si l’on en croit le site de l’OCE, est passé de 6,5% début 2011 à 4,7% au mois de juillet dernier. A noter qu’à cette période la Suisse avait un niveau de chômage de 2,7%. Cette statistique a eu un impact direct au niveau du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) puisque l’enveloppe allouée annuellement au canton pour aider les associations de réinsertion professionnelle suit la même courbe descendante.
Thierry Apothéloz parlait, dans sa lettre ouverte, de 5 millions de francs en moins. Vérification faite auprès des autorités, la baisse sera de l’ordre de 4,5 millions, sachant que le budget était déjà passé d’environ 48 millions à 43 millions entre 2011 et 2012. Au Département de la solidarité et de l’emploi (DSE), dirigé par Isabel Rochat, on estime «normal» que le montant de l’enveloppe pour la réinsertion s’aligne sur la courbe du chômage. Selon Laurent Paoliello, responsable de la communication au DSE, la diminution de la subvention fédérale serait «conforme aux résultats du canton» et n’aurait d’ailleurs pas suivi le cours réel du chômage, «permettant d’avoir proportionnellement plus de subventions par chômeur».
L’ennui, c’est que, du côté de l’Hospice général, on annonce une hausse des dossiers de 32% en trois ans. «Cette augmentation est générée pour plus d’un tiers par les effets induits par la dernière révision de la LACI, entrée en vigueur le 1er avril 2011», explique le rapport d’activité 2011 de l’institution.
Y aurait-il une corrélation entre les 2000 aspirants supplémentaires à l’aide sociale pour 2011 et les 2632 chômeurs en moins à Genève pour la même période? Laurent Paoliello le réfute. «Depuis dix ans, nous n’avons jamais eu de taux si bas et il est totalement faux de dire que nous avons artificiellement baissé le chiffre et simplement retiré ces personnes du chômage pour les mettre à l’assurance sociale.» L’Hospice général, quant à lui, joue les équilibristes, confirmant que «la LACI a clairement eu un impact sur les demandes», mais avertissant qu’«il faut veiller à ne pas faire de conclusions
hâtives».
Ces tergiversations ne sont pas du goût de Thierry Apothéloz, qui s’étonne de ce qu’on songe à diminuer ces aides et souhaiterait, au contraire, les augmenter. «Chaque franc investi dans la réinsertion professionnelle évitera d’en débourser dix plus loin», affirme-t-il. Et de demander à ce qu’Isabel Rochat assume la baisse de 4,5 millions dans son budget tant que le chômage à Genève sera aussi élevé par rapport à la moyenne suisse.
Associations en état d’alerte
Du côté des associations concernées, l’inquiétude se fait sentir face à la pression économique à laquelle le marché de l’emploi est soumis. Christophe Dunand, directeur de l’entreprise d’insertion professionnelle Réalise, espère que les demandeurs d’emploi se retrouvant à l’aide sociale pourront bénéficier rapidement des prestations d’insertion prévue par la nouvelle Loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle (LIASI). «Thierry Apothéloz fait bien d’alerter l’opinion publique sur ce sujet. Nous avions entendu parler de ces coupes au printemps. Maintenant, il reste à savoir comment va s’organiser la redistribution de l’enveloppe et sur quelles bases. Le plus important, c’est qu’on ne boucle pas des programmes d’insertion dans les prochains mois pour se rendre compte dans quelque temps qu’on en avait en fait toujours besoin. La mise en place de mesures d’insertion de qualité prend du temps.»
Sur le fond, tous les intervenants s’accordent à dire que le chômage est le principal ennemi. «Notre but à tous est de remettre les gens dans l’économie à tout prix», affirme Laurent Paoliello. Même écho du côté de l’Hospice général, de Réalise ou de Thierry Apothéloz. Reste à donner aux organes d’aide aux chômeurs les moyens de parvenir à cette fin. I
In Le Courrier – 14 août 2012 – Laura Drompt
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