RÉNOVATION – Un immeuble verniolan de cinq cents logements a été entièrement réhabilité. L’objectif? Améliorer la dynamique d’un quartier mal réputé.
Le nom des «Libellules» est depuis plusieurs années associé aux nombreux incidents survenus dans ce quartier. Drogue, incendies à répétition, vandalisme, homicides: la presse s’est largement faite l’écho de la «dérive sociale» d’un immeuble verniolan de plus de mille deux cents habitants, modestes pour la plupart.
Et si cette réputation appartenait désormais au passé, grâce à un projet ambitieux de réhabilitation architecturale et sociale? Après trois ans de travaux et 65 millions de francs d’investissements1, les cinq cents logements sociaux ont tous retrouvé leur fraîcheur d’antan et ses locataires profitent aujourd’hui d’une nouvelle dynamique de quartier. Ernest Greiner, président de la Fondation HBM Emile Dupont (FED), propriétaire des lieux, l’assure: «Les habitants expriment une certaine fierté à vivre aux Libellules.» Le champagne est déjà au frais. Il sera sabré vendredi et samedi à l’occasion de l’inauguration du site.
Des appartements plus grands
Un livre2 a également été édité et décrit un projet qui n’a pas été une partie de plaisir, ni pour la FED ni pour les habitants. A l’origine, plusieurs pétitions et recours se sont opposés à sa réalisation, pointant notamment les désagréments liés au chantier. «Nous avons pris le temps de discuter avec les habitants pour les rassurer, explique Ernest Greiner. Notre souci principal était de trouver une solution convenable et personnalisée pour tout le monde.» Sur ce point, le défi humain est de taille. Réalisées par tranche de seize appartements, les rénovations ont nécessité d’effectuer des rocades au sein même de l’immeuble. Des centaines de locataires ont ainsi dû être relogés temporairement.
Mais le résultat «magnifique» en vaut la peine, estime M. Greiner. A l’intérieur, l’immeuble de 1968 est méconnaissable. La FED ne s’est pas contentée de rénover les logements, elle a également souhaité changer légèrement la structure des lieux. Ainsi, trente-six appartements ont fusionné pour n’en faire plus que dix-huit. «Les petits appartements étaient souvent occupés par des personnes seules et fragiles, poursuit le président de la fondation. Nous avons voulu stabiliser les locataires dans la durée en installant davantage de familles. Mais le nombre de pièces est resté le même.» Les travaux ont forcément impacté les loyers, qui ont augmenté d’environ 70 francs par pièce et par mois. «Le prix d’un trois-pièces, environ 850 francs, reste modeste.»
La rénovation des étages devait également poursuivre d’autres buts. «Il fallait allier la rénovation du bâti avec un travail sur la dynamique de ce quartier», précise Thierry Apothéloz, maire de Vernier. Dix studios ont ainsi été transformés en «lieux de vie», afin d’accueillir des «projets d’utilité collective», tels des ateliers de musique, de chant et de bricolage, une minibibliothèque, un espace informatique, ou encore un lieu de rencontre intergénérationnel. Ce sont les locataires qui ont défini leurs propres besoins et qui ont mené les projets à bien. Une travailleuse sociale a été engagée par la commune pour les soutenir dans leur démarche. «Les habitants ont été enchantés de voir leur travail aboutir rapidement», souligne le magistrat.
Au pied de l’immeuble, sept édicules ont été construits. Pour remplir ces espaces, là encore, la population du quartier a été consultée. Naissent ainsi une garderie, un centre de quartier, un espace culturel, un café, un commerce de vêtements de seconde main. «Nous avons sondé des élèves de 10 à 12 ans. Ils ont souhaité y ajouter une ludothèque et ont tous travaillé à son élaboration. Aujourd’hui, celle-ci est sur le point d’être terminée.» Tout comme la réhabilitation du parc des Libellules, qui parachève la mutation de ce quartier. Vernier a notamment reçu le soutien de la Confédération dans le cadre d’une subvention annuelle nommée «projets urbains», visant à améliorer la cohésion sociale dans dix villes suisses.
Baisse du sentiment d’insécurité
Si l’immeuble et ses alentours ont retrouvé une forme plus attirante, cela suffira-t-il à redonner durablement une nouvelle ambiance à ce quartier? «Beaucoup de choses ont changé, affirme Ernest Greiner. Avant, les gens avaient presque honte de dire qu’ils vivaient aux Libellules. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.» Ces appartements étaient aussi connus pour leur taux de départs très élevé, avec une population qui changeait de 25% tous les quatre ans. Aujourd’hui, la tendance semble s’inverser, tout comme le nombre de loyers payés en retard, qui a chuté lui aussi.
La mairie de Vernier a également testé les effets de ces travaux, par l’intermédiaire d’un questionnaire distribué avant et après les rénovations. «Les résultats démontrent que le sentiment d’insécurité a largement chuté», souligne Thierry Apothéloz. Une perception qui n’a toutefois pas encore été vérifiée par les services municipaux sur le terrain, faute de statistiques à long terme. Mais le maire veut croire à un signe en faveur d’une politique de sécurité «qui compte sur la présence policière, mais également sur des mesures de cohésion sociale».
Après des années de dérive, les Libellules retrouvent le cap
Source: Le Courrier / Eric Lecoultre
RÉNOVATION – Un immeuble verniolan de cinq cents logements a été entièrement réhabilité. L’objectif? Améliorer la dynamique d’un quartier mal réputé.
Le nom des «Libellules» est depuis plusieurs années associé aux nombreux incidents survenus dans ce quartier. Drogue, incendies à répétition, vandalisme, homicides: la presse s’est largement faite l’écho de la «dérive sociale» d’un immeuble verniolan de plus de mille deux cents habitants, modestes pour la plupart.
Et si cette réputation appartenait désormais au passé, grâce à un projet ambitieux de réhabilitation architecturale et sociale? Après trois ans de travaux et 65 millions de francs d’investissements1, les cinq cents logements sociaux ont tous retrouvé leur fraîcheur d’antan et ses locataires profitent aujourd’hui d’une nouvelle dynamique de quartier. Ernest Greiner, président de la Fondation HBM Emile Dupont (FED), propriétaire des lieux, l’assure: «Les habitants expriment une certaine fierté à vivre aux Libellules.» Le champagne est déjà au frais. Il sera sabré vendredi et samedi à l’occasion de l’inauguration du site.
Des appartements plus grands
Un livre2 a également été édité et décrit un projet qui n’a pas été une partie de plaisir, ni pour la FED ni pour les habitants. A l’origine, plusieurs pétitions et recours se sont opposés à sa réalisation, pointant notamment les désagréments liés au chantier. «Nous avons pris le temps de discuter avec les habitants pour les rassurer, explique Ernest Greiner. Notre souci principal était de trouver une solution convenable et personnalisée pour tout le monde.» Sur ce point, le défi humain est de taille. Réalisées par tranche de seize appartements, les rénovations ont nécessité d’effectuer des rocades au sein même de l’immeuble. Des centaines de locataires ont ainsi dû être relogés temporairement.
Mais le résultat «magnifique» en vaut la peine, estime M. Greiner. A l’intérieur, l’immeuble de 1968 est méconnaissable. La FED ne s’est pas contentée de rénover les logements, elle a également souhaité changer légèrement la structure des lieux. Ainsi, trente-six appartements ont fusionné pour n’en faire plus que dix-huit. «Les petits appartements étaient souvent occupés par des personnes seules et fragiles, poursuit le président de la fondation. Nous avons voulu stabiliser les locataires dans la durée en installant davantage de familles. Mais le nombre de pièces est resté le même.» Les travaux ont forcément impacté les loyers, qui ont augmenté d’environ 70 francs par pièce et par mois. «Le prix d’un trois-pièces, environ 850 francs, reste modeste.»
La rénovation des étages devait également poursuivre d’autres buts. «Il fallait allier la rénovation du bâti avec un travail sur la dynamique de ce quartier», précise Thierry Apothéloz, maire de Vernier. Dix studios ont ainsi été transformés en «lieux de vie», afin d’accueillir des «projets d’utilité collective», tels des ateliers de musique, de chant et de bricolage, une minibibliothèque, un espace informatique, ou encore un lieu de rencontre intergénérationnel. Ce sont les locataires qui ont défini leurs propres besoins et qui ont mené les projets à bien. Une travailleuse sociale a été engagée par la commune pour les soutenir dans leur démarche. «Les habitants ont été enchantés de voir leur travail aboutir rapidement», souligne le magistrat.
Au pied de l’immeuble, sept édicules ont été construits. Pour remplir ces espaces, là encore, la population du quartier a été consultée. Naissent ainsi une garderie, un centre de quartier, un espace culturel, un café, un commerce de vêtements de seconde main. «Nous avons sondé des élèves de 10 à 12 ans. Ils ont souhaité y ajouter une ludothèque et ont tous travaillé à son élaboration. Aujourd’hui, celle-ci est sur le point d’être terminée.» Tout comme la réhabilitation du parc des Libellules, qui parachève la mutation de ce quartier. Vernier a notamment reçu le soutien de la Confédération dans le cadre d’une subvention annuelle nommée «projets urbains», visant à améliorer la cohésion sociale dans dix villes suisses.
Baisse du sentiment d’insécurité
Si l’immeuble et ses alentours ont retrouvé une forme plus attirante, cela suffira-t-il à redonner durablement une nouvelle ambiance à ce quartier? «Beaucoup de choses ont changé, affirme Ernest Greiner. Avant, les gens avaient presque honte de dire qu’ils vivaient aux Libellules. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.» Ces appartements étaient aussi connus pour leur taux de départs très élevé, avec une population qui changeait de 25% tous les quatre ans. Aujourd’hui, la tendance semble s’inverser, tout comme le nombre de loyers payés en retard, qui a chuté lui aussi.
La mairie de Vernier a également testé les effets de ces travaux, par l’intermédiaire d’un questionnaire distribué avant et après les rénovations. «Les résultats démontrent que le sentiment d’insécurité a largement chuté», souligne Thierry Apothéloz. Une perception qui n’a toutefois pas encore été vérifiée par les services municipaux sur le terrain, faute de statistiques à long terme. Mais le maire veut croire à un signe en faveur d’une politique de sécurité «qui compte sur la présence policière, mais également sur des mesures de cohésion sociale».
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